Gabon : quand l’opportunisme politique se pare des atours du zèle

Si la transition a rebattu les cartes du pouvoir, elle a aussi révélé une frénésie bien connue en période d’incertitude : l’ardeur intéressée de ceux qui, flairant l’opportunité, redoublent d’ingéniosité pour se positionner. Et dans cette quête, tous les moyens sont bons.
Ainsi, certains ne se contentent plus d’exprimer leur soutien par des discours bien tournés ou des prises de position calculées. Ils vont plus loin, orchestrant des démonstrations d’allégeance qui flirtent avec l’absurde. Parmi les initiatives les plus symptomatiques, on retrouve ces appels à candidatures où les postulants arborent fièrement des t-shirts à l’effigie du Président de la Transition, comme si leur engagement personnel ne pouvait être dissocié d’une dévotion ostentatoire. Postuler à un poste administratif, intégrer une institution ou même obtenir une reconnaissance sociale semble désormais conditionné par la capacité à afficher publiquement sa proximité – réelle ou supposée – avec l’homme fort du moment.
Mais l’ardeur courtisane ne s’arrête pas là. En plus des manifestations de loyauté vestimentaire, des collectes de fonds spontanées voient le jour. Des cotisations, prétendument volontaires, sont organisées pour financer des présents ou des initiatives en l’honneur du Président-Candidat. Une générosité d’autant plus intrigante qu’elle semble davantage relever d’une stratégie de visibilité que d’un réel élan de gratitude.
Après tout, qu’il s’agisse de remettre une enveloppe symbolique ou d’offrir un cadeau de prestige, l’essentiel est d’être vu, d’être identifié comme un soutien indéfectible. Ces démonstrations d’enthousiasme rappellent étrangement les pratiques d’antan, où l’adhésion à un régime passait par des rituels d’exaltation plus ou moins spontanés.
Pourtant, la transition s’était voulue en rupture avec ces mécanismes de vénération intéressée. Mais peut-on réellement s’extraire d’un schéma si profondément ancré ? Les logiques de positionnement semblent transcender les époques et les systèmes, et les kounabelistes d’hier ont simplement revêtu de nouveaux atours.
La question reste ouverte : jusqu’où ira cette surenchère ? À force de transformer l’appui politique en spectacle, ne risque-t-on pas de décrédibiliser les véritables dynamiques de refondation ? Quoi qu’il en soit, en cette période de transition, une chose est sûre : plus que jamais, dans le jeu du pouvoir, il ne s’agit pas seulement d’être compétent, mais surtout d’être visible.