Embellir pour recevoir : le Gabon nettoyé… le temps d’une investiture ?

À quelques jours de la cérémonie d’investiture du président Brice Clotaire Oligui Nguema, le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité a lancé un appel à la mobilisation des populations, notamment dans le Grand Libreville. Dans un communiqué en date du 22 avril 2025, Hermann Immongault, ministre en charge, invite les citoyens à faire preuve de civisme, de solidarité et d’hospitalité. Objectif affiché : faire de l’événement un moment à la fois festif, symbolique et digne de l’image du Gabon.
L’appel n’a rien d’anodin. Il s’inscrit dans une volonté claire de montrer un visage accueillant aux nombreuses délégations étrangères et invités de marque attendus pour cette cérémonie. Une exigence d’autant plus importante que l’investiture se déroulera dans un contexte post-transition où chaque détail compte pour rassurer, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Les habitants installés le long de l’axe Carrefour Avorbam–Stade de l’Amitié sino-gabonaise sont particulièrement sollicités. Nettoyage, embellissement des devantures, entretien des abords : le message du ministère est clair. Il faut soigner la vitrine.
Mais au-delà de la communication et du discours républicain, cette décision soulève aussi des interrogations légitimes. Si l’intention d’impliquer les citoyens dans un effort collectif est louable, elle apparaît, pour certains, comme une opération de circonstance. Car pourquoi attendre un événement politique pour rappeler l’importance de l’entretien de l’espace public et du civisme ? Pourquoi ne pas inscrire ces exigences dans une véritable politique de gestion urbaine durable, accompagnée de moyens concrets, réguliers et accessibles à tous ?
L’enjeu, ici, n’est pas de contester la nécessité de présenter un Gabon propre et accueillant, mais de s’interroger sur la temporalité de ces appels à l’effort collectif, souvent corrélés à des événements officiels. Dans les quartiers populaires, où les services publics sont inégalement répartis et parfois absents, ce genre de message peut être perçu comme une injonction inéquitable, voire déconnectée du vécu quotidien.
Le communiqué parle de « fierté nationale » et de « valeurs légendaires d’hospitalité ». Des idéaux importants, certes, mais qui gagneraient à être mobilisés tout au long de l’année, au bénéfice d’une citoyenneté active, pas seulement protocolaire. Car l’attachement à la République ne se manifeste pas uniquement lors des grandes occasions, mais dans le respect constant du contrat social et dans l’amélioration concrète des conditions de vie.
L’investiture du président, crédité de 94,35 % des voix selon les résultats provisoires, est censée marquer la continuité institutionnelle. Elle peut aussi être, à condition d’en tirer les leçons, l’occasion d’un nouveau départ vers une gouvernance plus participative, qui valorise réellement les efforts citoyens au-delà des événements ponctuels.
In fine, faire appel à la mobilisation des populations est une initiative pertinente sur le papier. Mais elle ne pourra porter ses fruits que si elle s’accompagne d’un changement de paradigme : passer de l’événementiel à la culture du quotidien, où chaque citoyen se sentira impliqué et considéré, même en dehors des grandes cérémonies. Car une République véritablement solide ne se construit pas dans les décors, mais dans la sincérité de l’engagement partagé.