Gabon : dix jours de délai aux entreprises publiques pour justifier leur gestion mais à quel prix ?

Dix jours. C’est le délai sec et sans appel que le nouveau ministre de l’Économie et des Finances, Henri-Claude Oyima, a accordé aux entreprises publiques pour fournir leurs bilans financiers, rapports d’activités et autres documents de gestion. Un ultimatum qui sonne comme un avertissement dans un pays où la gestion des sociétés publiques a longtemps été synonyme d’opacité, de déficit chronique et d’impunité administrative.
Fraîchement nommé en mai 2025 dans un gouvernement de redressement, Oyima, figure du monde bancaire veut aller vite. Très vite. L’objectif affiché : établir un diagnostic clair sur la situation réelle des entreprises où l’État est actionnaire, et tracer une nouvelle ligne de conduite, axée sur la rigueur, la redevabilité et la rationalisation des dépenses publiques.
Une cure de rigueur dans un système laxiste
Ce coup de pression n’est pas anodin. Il intervient alors que la dette publique gabonaise dépasse les 6 000 milliards de FCFA et que les partenaires financiers exigent des réformes structurelles. En mettant les entreprises publiques face à leurs responsabilités, le ministre veut manifestement rompre avec les pratiques du passé, où la production de rapports était rare, les audits inexistants et les résultats financiers maquillés quand ils existaient.
Mais cette volonté de redressement se heurte à une réalité bien plus complexe : celle d’un système administratif lent, parfois incompétent, souvent politisé. Difficile d’imaginer que des entités mal structurées, sans direction claire ni outils de gestion modernes, soient capables de produire en dix jours ce qu’elles n’ont pas pu établir en plusieurs années. Il y a donc fort à parier que cet ultimatum, s’il n’est pas suivi d’un accompagnement technique ou de mesures coercitives claires, finisse comme tant d’autres : dans un tiroir.
Autre zone d’ombre : la position même de Henri-Claude Oyima. S’il incarne une compétence financière reconnue, il reste toujours président du conseil d’administration de la BGFIBank, une des banques les plus influentes du pays. Ce cumul de fonctions soulève une question centrale : peut-on exiger une transparence totale de l’appareil d’État tout en conservant des intérêts aussi forts dans le privé ? Le silence du gouvernement sur ce point n’aide pas à dissiper les soupçons de conflit d’intérêts.
Ce flou nourrit aussi une critique plus large : celle d’une gouvernance à géométrie variable, où les principes affichés ne s’appliquent pas toujours aux plus puissants. Or, pour que cette opération vérité soit crédible, elle devra s’appliquer à tous, sans passe-droit ni protection.
Le fond de la question est donc le suivant : le gouvernement souhaite-t-il vraiment réformer en profondeur ou se contentera-t-il d’une opération de communication ? Car pour que la transparence devienne la norme, il faudra aller au-delà des injonctions. Il faudra réformer la gouvernance des entreprises publiques, publier les résultats, sanctionner les fautes graves, et mettre fin à la politisation des nominations.
En attendant, les sociétés publiques ont dix jours pour livrer leurs chiffres. Un geste qui, en soi, ne suffira pas à rétablir la confiance, mais qui pourrait marquer le début d’un changement, si tant est que l’État décide enfin de joindre l’exemple à la parole.