Gabon : le retour des délestages ravive la colère des populations et interroge sur d’éventuels actes de sabotage

Depuis plusieurs jours, les coupures intempestives d’électricité et d’eau rythment à nouveau le quotidien des Gabonais, aussi bien dans la capitale que dans l’arrière-pays. Une situation que le gouvernement qualifie d’« anormale », allant jusqu’à évoquer de possibles actes de sabotage. Une enquête a été ouverte pour faire toute la lumière sur cette affaire.
À Libreville, Akanda, Owendo et Ntoum, les journées s’allongent sans courant, les nuits se passent dans la chaleur, et les entreprises voient leur fonctionnement paralysé. Le samedi 31 mai, la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG) a annoncé qu’« un incident enregistré à 11h02 sur le câble Haute Tension 90kV, reliant la centrale Karpowership au réseau de transport SEEG », avait occasionné de graves perturbations dans l’alimentation électrique du Grand Libreville. En réponse, un programme d’alimentation alternée a été mis en place, impactant l’ensemble des usagers.
Mais si le communiqué de la SEEG évoque des « travaux de réparation en cours », il ne répond pas à une question centrale : pourquoi les incidents se multiplient-ils alors que des efforts considérables ont été annoncés dans le secteur de l’énergie ces derniers mois ?Face à la colère croissante des citoyens, le ministre de l’Accès universel à l’eau et à l’énergie, Philippe Tonangoye, a tenu à rassurer. Il a affirmé que « des mesures sont en cours pour pallier cette crise », tout en dénonçant des « actes de sabotage » qui pourraient être à l’origine de certaines interruptions. Une déclaration qui jette le trouble. Car si les causes sont d’origine criminelle, alors c’est la sécurité même des installations énergétiques qui est remise en cause.
Le peuple paie le prix fort
Au-delà des institutions, ce sont surtout les populations qui trinquent. Dans les quartiers périphériques de Libreville, des habitants confient avoir passé « près de 24 heures sans électricité ni eau », les forçant à puiser dans les réserves ou à recourir aux bougies et lampes pour s’éclairer ou à des groupes électrogènes quand ils en ont les moyens. À l’intérieur du pays, le tableau est encore plus sombre : à Franceville, Port-Gentil ou Lastoursville, certaines administrations tournent au ralenti, les commerces ferment plus tôt, et les écoliers révisent à la lumière de leurs téléphones portables.
« On se croirait revenus dix ans en arrière », lâche Marc, commerçant à Ntoum. « Ce pays a une centrale flottante, un barrage hydroélectrique, et pourtant on est encore là à souffrir dès qu’il pleut ou que quelqu’un touche à un câble ? C’est incompréhensible. »
Des motivations à éclaircir
Si les actes de sabotage évoqués par le ministre sont avérés, il est impératif d’en comprendre les motivations. Vengeance politique ? Conflits d’intérêts dans le secteur de l’énergie ? Tentatives de fragiliser l’action gouvernementale ? En l’absence d’éléments concrets, toutes les hypothèses restent ouvertes, mais une chose est certaine : l’énergie est devenue une arme, et les premières victimes sont les citoyens.
La confiance des usagers, elle, s’effrite. L’opinion publique s’interroge sur la résilience du réseau national, la transparence de la SEEG, et l’efficacité des réponses étatiques. D’autant que cette situation survient dans un contexte de transition post-électorale, où l’État gabonais entendait justement renforcer les services publics de base avec un retour à l’administration normale à la SEEG.
Si la situation actuelle est conjoncturelle, elle met en lumière un problème plus structurel : la dépendance énergétique du Gabon à quelques infrastructures-clés. Une meilleure sécurisation du réseau, une diversification des sources de production, mais aussi une transparence sur la gestion des incidents sont autant de pistes à envisager.
Il est peut-être temps que le pays investisse davantage dans la maintenance préventive, les énergies renouvelables, et surtout dans la gouvernance du secteur. Car si l’on peut tolérer une panne, on ne peut accepter l’idée qu’elle soit provoquée encore moins en toute impunité. En attendant que lumière soit faite sur cette affaire, les Gabonais, eux, espèrent simplement revoir… la lumière chez eux.