Union Démocratique des Bâtisseurs : Oligui Nguema promet la rupture, mais s’entoure des visages du passé

Brice Clotaire Oligui Nguema a lancé, le samedi 05 juillet 2025, sa formation politique : l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB). Derrière les promesses d’un parti moderne, participatif et tourné vers la base, plusieurs observateurs dénoncent déjà un double discours et redoutent l’émergence d’un nouvel appareil politique à la solde du pouvoir présidentiel.
« Le pouvoir légitime est détenu par le peuple. Je ne suis que le dépositaire temporaire de vos aspirations », a déclaré Oligui Nguema, se présentant comme un président au service du peuple et non un homme d’appareil. Le ton est donné : l’UDB ne serait pas un parti personnel, ni un instrument électoraliste.
« Je ne souhaite pas créer un parti qui instrumentalise les élections (…) ni un outil politique qui va être un gouffre dans lequel je dois monnayer des majorités ou des consensus », a-t-il assuré, dans une tentative claire de se distinguer de ses prédécesseurs.
Il promet donc un parti au fonctionnement démocratique, où les décisions viendront de la base, avec consultations populaires régulières et primaires internes pour désigner les futurs représentants. Un vocabulaire emprunté aux démocraties avancées, qui sonne bien, mais qui suscite déjà scepticisme et ironie dans une opinion publique de plus en plus méfiante.
Une rupture… recyclée ?
Car si le discours promet un renouveau, la scène politique de l’UDB sent fort la naphtaline. Dès le premier rang, plusieurs anciens cadres du Parti Démocratique Gabonais (PDG), pourtant régulièrement dénoncés pour avoir contribué à la faillite du système politique précédent, occupaient les meilleures places.
Le paradoxe est flagrant : comment incarner une rupture avec l’ancien système en s’entourant de ses artisans les plus fidèles ? Pour beaucoup, l’UDB apparaît comme un recyclage habile, un lifting d’un pouvoir qui cherche à se donner une légitimité populaire sans vraiment lâcher prise sur les pratiques anciennes.
Des voix s’élèvent déjà pour dénoncer une manœuvre de verrouillage politique, consistant à construire une majorité présidentielle sur mesure, en habillant l’appareil partisan d’un vernis participatif. « Il dit vouloir consulter la base, mais il installe d’abord ses proches et ses alliés politiques. C’est exactement ce qu’on a vu sous Bongo : un parti unique déguisé en démocratie », glisse un militant associatif.
Une course à la légalisation… et à la structuration du pouvoir
Pour exister officiellement, l’UDB devra répondre aux critères fixés par le Code électoral gabonais : au moins 10 000 membres, répartis dans la moitié des provinces du pays, pour obtenir son enregistrement au ministère de l’Intérieur. Mais au-delà de la légalité, c’est la finalité du parti qui interroge : s’agit-il d’un vrai instrument politique au service des citoyens, ou d’une coquille destinée à sécuriser le pouvoir du président nouvellement élu ? Car le lancement de ce parti intervient moins d’un an après la fin de la transition, et à peine quelques semaines après sa victoire à l’élection présidentielle.
Une démocratie de façade ?
Derrière les discours d’ouverture et de démocratie interne, plusieurs analystes redoutent une concentration du pouvoir plus habile que celle de ses prédécesseurs, mais tout aussi efficace. La promesse de primaires et de consultations semble louable, mais dans un système où le chef de l’État est aussi chef de parti, l’indépendance des structures internes est rarement garantie.
La création de l’UDB risque ainsi de réinstaller le schéma du parti dominant, avec un président entouré de loyalistes, et des opposants marginalisés ou assimilés. En somme, un pluripartisme d’apparence, mais une uniformité de fond.
Avec l’Union Démocratique des Bâtisseurs, Oligui Nguema prétend bâtir un nouvel ordre politique. Mais pour beaucoup, ce chantier commence avec les outils rouillés d’hier. Il faudra bien plus que des mots pour convaincre les Gabonais qu’ils ne vivent pas simplement un rebranding de l’ancien système, sous un logo flambant neuf.