Pacte Gabon-Eramet : derrière les promesses historiques, les questions qui fâchent

16 000 emplois, transformation locale, rapatriement des finances… L’accord annoncé entre Libreville et Eramet ressemble à une révolution. Mais le communiqué officiel, avare en détails, laisse de nombreuses zones d’ombre. Un effet d’annonce ou un véritable tournant ?
Sur le papier, le communiqué de la présidence gabonaise a tout d’un triomphe. Face à un pouvoir déterminé, le géant minier Eramet a accepté un « nouveau pacte » plus équitable. Pourtant, une lecture attentive soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.
Derrière les chiffres impressionnants se cache un manque flagrant de détails concrets qui invite à la prudence.
La première interrogation est le calendrier. L’accord acte la « transformation locale de plus de deux millions de tonnes de manganèse » et la construction d’une centrale électrique. Mais quand ?

Aucun échéancier n’est mentionné. La construction d’une centrale est un projet de plusieurs années. Aussi, la « gabonisation progressive » des postes de direction est une promesse facile à faire, mais difficile à vérifier sans objectifs chiffrés et datés.
S’agit-il d’un plan sur deux, cinq ou dix ans ? Le flou persiste.Le deuxième point de vigilance porte sur les 16 000 emplois « directs et indirects ».
Cette formulation classique permet de gonfler les chiffres. Combien seront des emplois directs, stables et qualifiés au sein de la COMILOG ? Et combien seront des postes indirects, souvent plus précaires et temporaires, entre la construction et la sous-traitance ?
Sans cette ventilation, l’impact réel sur le chômage de longue durée reste une inconnue.

S’agissant de la question cruciale des clauses contraignantes. Le communiqué parle « d’engagements actés ».
Mais s’agit-il d’un protocole d’accord ou d’un contrat en bonne et due forme ? Quelles sont les pénalités prévues si Eramet ne respecte pas ses engagements, que ce soit sur les volumes de transformation ou les délais de construction de son siège social ?
L’histoire économique est remplie de promesses grandioses qui n’ont jamais été suivies d’effets faute de mécanismes de sanction.
Dernier point, la transparence des flux financiers. C’est un engagement majeur, mais comment sera-t-il contrôlé ?

L’État gabonais dispose certes des institutions indépendantes telles la Cour des comptes ou une agence anti-corruption, mais sont-elles dotées des moyens suffisants pour auditer efficacement les comptes d’une multinationale aussi complexe ?
Annoncer la transparence est une chose, la mettre en pratique en est une autre.
Si cette audience marque incontestablement une victoire politique pour le Président Oligui Nguema, la transformation de cet essai dépendra entièrement de la rigueur du suivi.
Pour l’heure, le « nouveau pacte minier » ressemble davantage à une déclaration d’intention qu’à un plan d’action détaillé. Les populations gabonaises attendent désormais de voir si ces promesses résisteront à l’épreuve du temps et de la réalité économique.