Introduction en bourse suspendue : BGFI plombée par ses propres actionnaires

Prévue initialement pour le 15 juillet, puis décalée au 31 du même mois, l’introduction en bourse de BGFI Holding Corporation sur la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC) est à nouveau reportée. Et cette fois, aucun horizon n’est fixé. En cause : des recours déposés devant le Tribunal de commerce de Libreville par un groupe d’actionnaires, qui contestent ouvertement la légitimité de l’équipe dirigeante actuellement en place.
Le groupe bancaire a officialisé le lundi 28 juillet la suspension du processus, évoquant dans un communiqué une volonté de préserver « la sérénité » autour de l’opération, en attendant que la justice tranche. Le conseil d’administration affirme avoir agi en coordination avec la Cosumaf, régulateur du marché, pour garantir un cadre juridiquement sécurisé à cette introduction.
Un conflit de gouvernance au mauvais moment
Le cœur du blocage réside dans les remous récents ayant agité la direction du groupe. Le départ d’Henri-Claude Oyima, figure tutélaire de BGFI, nommé ministre de l’Économie et des Finances du Gabon, a bouleversé l’équilibre interne. Son remplacement par une nouvelle équipe est jugé prématuré par une partie des actionnaires, qui réclament un temps d’adaptation avant tout mouvement stratégique majeur.
Christian Kerangall, l’un des principaux actionnaires (avec 23 % du capital), est monté au créneau. Il fustige un manque de concertation et des décisions unilatérales, dénonçant une gouvernance qui, selon lui, s’est affranchie de tout dialogue. « Les demandes formulées n’ont reçu aucun écho. La voie judiciaire était devenue inévitable », a-t-il confié à la presse nationale.
L’introduction en bourse visait pourtant à marquer un tournant historique pour BGFI Holding. En ouvrant 10 % de son capital soit 1 573 536 actions proposées au prix de 80 000 FCFA l’unité, le groupe espérait lever plus de 125 milliards de FCFA. Un capital frais destiné à renforcer ses fonds propres, soutenir son développement régional et asseoir davantage son leadership.
Au-delà des chiffres, l’opération incarnait une ambition plus vaste : inscrire BGFI dans une nouvelle ère de transparence et de gouvernance conforme aux standards internationaux. Le passage sur le marché public devait ouvrir une nouvelle page de son histoire, mais c’est finalement une vieille page de conflits internes non réglés qui vient de s’ouvrir.
Ce report n’est pas anodin. Il est le révélateur de tensions profondes qui viennent questionner la solidité de la gouvernance d’un groupe présenté comme modèle dans la sous-région. La stratégie de montée en gamme institutionnelle par le biais de la bourse, ne saurait être crédible sans une adhésion pleine et entière de ses actionnaires, et encore moins sans un climat apaisé au sommet.
Ce revers pose une question simple, mais fondamentale : comment prétendre séduire le marché quand le cœur même de l’entreprise est en conflit ? L’introduction en bourse, censée envoyer un signal de confiance, devient un révélateur de vulnérabilités. Et cela, les marchés ne pardonnent pas.
Dans un contexte où la finance africaine cherche à asseoir sa crédibilité et à attirer des investisseurs institutionnels, cet épisode fait désordre. Il rappelle que le capital ne se contente pas de chiffres, il exige des garanties, des règles claires et des dirigeants en mesure d’incarner une vision collective.
BGFI Holding devra d’abord réussir cette opération de réconciliation avant de prétendre lever des milliards. À défaut, l’entrée en bourse risque de n’être qu’un mirage de plus dans une finance régionale encore trop souvent otage de ses conflits internes.