20 ans de travail, 80 000 F par mois : le calvaire des « oubliés » de l’administration


À terre, devant le gouvernorat, une assiette vide symbolise leur quotidien. Depuis mardi, les agents de la main-d’œuvre non permanente (MONP) ont relancé leur grève. Au-delà des revendications administratives, ce sont des vies brisées par des décennies de précarité qui s’exposent au grand jour, entre salaires de misère et promesses non tenues.
Ils sont assis, parfois allongés sur de simples morceaux de tissu posés sur le bitume chaud. Leurs visages sont marqués par la fatigue et une colère sourde.
Devant le gouvernorat de l’Ogooué-Maritime, ces hommes et ces femmes forment le camp des « oubliés » de la République.
Certains travaillent pour l’État depuis 10, 20, voire 30 ans. Leurs titres sont variés – agents d’entretien, chauffeurs, secrétaires – mais leur statut est le même, celui, précaire, de la main-d’œuvre non permanente.
« Comment peut-on vivre avec ça ? »

Armelle Mavoungou, l’une des grévistes, ne cache pas son désarroi. « Le vice-président nous avait promis une solution il y a six mois. On a attendu, on a été patients, mais rien n’est venu, » confie-t-elle. « Nous lui avions dit que nous ne pouvions pas attendre jusqu’en décembre. Nos enfants ont faim maintenant. »
Cette faim est matérialisée par l’assiette vide posée au centre de leur piquet de grève, une invitation silencieuse à la solidarité des passants. Le salaire de base, 80 000 francs CFA. Une prime de logement de 18 000 francs CFA vient s’y ajouter. « 98 000 francs au total.
« À Port-Gentil, la capitale économique où tout est cher, comment peut-on vivre avec ça ? », lance un père de famille qui a passé 22 ans au service du ministère des Eaux et Forêts. « Rien que le loyer pour une simple chambre, c’est plus du double de notre prime. Il reste quoi pour la nourriture, le transport, et l’école des enfants ? »
Servir l’État sans jamais exister

Le drame de ces agents dépasse la simple question salariale. C’est l’absence totale de reconnaissance et de sécurité qui les ronge. La revendication concernant l’apurement des cotisations à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) est vitale.
« Je suis tombé malade il y a deux ans, je n’ai eu aucune couverture. J’ai dû m’endetter auprès de ma famille pour me soigner, » raconte un agent approchant de la soixantaine.
Pour les plus anciens, l’angoisse de la retraite est une torture. Après une vie entière à servir l’État, ils risquent de se retrouver sans aucune pension, jetés du système sans ménagement.
« Nous avons donné notre jeunesse, notre force, et l’État nous traite comme si nous n’avions jamais existé, » résume-t-il amèrement.
Leur mouvement est un cri pour la dignité. Ces pères et mères de famille demandent simplement la reconnaissance de leur travail et le droit à une vie décente.