Éducation nationale : Camélia Ntoutoume-Leclercq plaide pour un budget record de 272 milliards de FCFA en 2026

La ministre d’État à l’Éducation nationale, Camélia Ntoutoume-Leclercq, a défendu, le 23 octobre 2025, devant les députés de la Transition, un budget inédit de 272,15 milliards de FCFA pour son département en 2026. Une enveloppe colossale qui traduit l’ambition de refonder le système éducatif gabonais et de réconcilier l’école avec les réalités économiques et sociales du pays.
Face à la Commission des finances, du budget et de la production, la ministre a présenté une stratégie articulée autour de trois priorités : infrastructures scolaires, formation des enseignants et employabilité des jeunes. Le budget sollicité prévoit notamment la construction de 1 185 salles de classe à travers le pays, soit près de 60 000 nouvelles places pour les élèves, ainsi que le renforcement de la formation professionnelle des enseignants à travers l’Institut de formation aux métiers de l’éducation (IFME).
La ministre a également insisté sur la régularisation administrative des personnels et sur de nouveaux recrutements pour pallier le manque d’enseignants. « Ce budget doit se traduire par une réelle amélioration du cadre d’apprentissage et des conditions de travail des enseignants », a salué un député membre de la commission, évoquant un budget “tourné vers la qualité”.
Autre pilier de ce projet de loi de finances initiale : la Mission 65 “Formation pour l’emploi”, dont la dotation passe à 2,83 milliards de FCFA, soit une hausse spectaculaire de 207 %. Cette mission vise à renforcer les compétences des jeunes déscolarisés ou sans emploi, à travers la réhabilitation du Complexe Basile Ondimba, la modernisation des 15 centres de formation du pays et la promotion des métiers techniques et artisanaux. « Former pour insérer, c’est l’un des piliers du nouveau Gabon », a souligné Camélia Ntoutoume-Leclercq, appelant à briser la hiérarchie de valeur entre enseignement général et technique.
Les parlementaires ont, eux, insisté sur la nécessité d’un suivi concret des débouchés professionnels. « Chaque jeune formé doit pouvoir s’insérer dans l’économie nationale », a déclaré un député de la Transition. Le budget 2026 se distingue également par la montée en puissance de la Mission “Éducation populaire et Formation civique”, dont les crédits bondissent de 104 millions à 4,03 milliards de FCFA. Une hausse de plus de 3 700 % destinée à revitaliser le civisme, la citoyenneté et les valeurs républicaines. Près de 97 % des ressources seront consacrées à des projets d’investissement : la création de Centres d’éducation communautaire intégrée (CECI) dans les 48 départements du pays, la réhabilitation de 19 centres d’alphabétisation et le développement d’outils numériques éducatifs. En parallèle, 3,65 milliards de FCFA supplémentaires financeront la promotion des valeurs citoyennes, la mise en place de Cellules d’éthique et d’éducation civique (CEEC), ainsi que des événements nationaux tels que la Journée du Drapeau. « L’éducation civique est la première école du patriotisme. Nous devons investir autant dans les valeurs que dans les bâtiments », a souligné une députée de la Transition.
Pour la ministre, cet effort budgétaire illustre une conviction claire : « Investir dans l’éducation, c’est investir dans la stabilité, l’emploi et la dignité nationale. » Les députés ont unanimement salué la cohérence du plan et la portée sociale de ce budget, perçu comme un acte fort de refondation du système éducatif gabonais.
Si le budget proposé par la ministre d’État marque un tournant sans précédent, les défis structurels du secteur éducatif demeurent nombreux. Les ressources, aussi importantes soient-elles, ne suffiront pas sans une refonte en profondeur des méthodes, des priorités et de la gouvernance.
La première urgence reste l’amélioration de la qualité pédagogique. Les programmes scolaires accusent un retard face aux mutations du monde. L’école gabonaise doit redevenir un espace de rigueur intellectuelle, de curiosité et d’adaptation. Former les enseignants est essentiel, mais il faut aussi repenser les contenus, les méthodes d’évaluation et la pédagogie active.
Deuxième défi : assainir la gouvernance éducative. La réussite du plan dépendra de la capacité du ministère à suivre l’exécution budgétaire, à éviter les retards dans les paiements et à prévenir les dérives administratives. Sans transparence ni rigueur, même les plus gros budgets finissent par se diluer dans les lenteurs du système.
Troisième axe : aligner la formation sur les besoins économiques. L’un des plus grands paradoxes du Gabon est d’avoir des jeunes diplômés sans emploi et des entreprises qui peinent à recruter. L’école doit donc former pour les secteurs porteurs : énergie, numérique, BTP, agriculture durable, métiers de service.
Quatrième priorité : réhabiliter le civisme et la discipline. Au-delà des savoirs, l’école doit redevenir un lieu d’apprentissage du vivre-ensemble. La perte du sens du devoir et du respect collectif fragilise la société. Miser sur l’éducation civique, c’est miser sur la cohésion nationale.
Enfin, il faudra réduire les inégalités territoriales. Entre Libreville et certaines provinces, le fossé demeure abyssal : écoles délabrées, manque d’enseignants, surpeuplement des classes. Une réforme éducative ne peut réussir sans équité territoriale ni justice d’accès.
In fine, le budget de 272 milliards de FCFA défendu par Camélia Ntoutoume-Leclercq pose un jalon majeur : celui d’un État qui replace l’éducation au cœur de son projet de société. Mais pour que cet effort financier devienne un véritable levier de transformation, il faudra passer de la dépense à la performance, et faire de l’école gabonaise non plus un lieu de passage, mais un lieu d’avenir.



