Critiques

Recensement général 2025 : le gouvernement veut aller vite, mais le défi de la fiabilité demeure

Le Gabon s’apprête à lancer, d’ici la fin novembre, le Recensement général de la population et des logements (RGPL 2025), une opération décisive pour la planification nationale. Sous la présidence du vice-président du gouvernement, Alexandre Barro Chambrier, une réunion ministérielle s’est tenue le 3 novembre afin de faire le point sur l’état d’avancement des préparatifs. Derrière la volonté d’accélérer le processus, une question s’impose : le pays est-il réellement prêt à mener une opération d’une telle envergure dans des délais aussi serrés ?

Prévu pour s’achever en décembre, le recensement, pourtant décennal, semble engagé dans une course contre la montre. Les travaux de cartographie censitaire et la phase pilote sont en cours, mais les contraintes techniques, logistiques et financières restent considérables. Dans un contexte où certaines administrations peinent encore à harmoniser leurs bases de données, la fiabilité du dispositif de collecte apparaît comme l’un des principaux points d’inquiétude.

« Nous avons l’opportunité d’avoir une cartographie censitaire du recensement qui nous permet de savoir où sont situées les grappes des populations », a déclaré la ministre de la Planification et de la Prospective, Louise Mvono, tout en reconnaissant que l’opération en est encore à la phase pilote.

Des ambitions légitimes, mais une préparation inégale

Le RGPL vise à dresser une photographie précise de la population gabonaise, à évaluer les conditions de vie, les dynamiques démographiques et les besoins sociaux. En théorie, il devrait permettre d’adapter les politiques publiques aux réalités du terrain.

Mais sur le plan opérationnel, plusieurs observateurs redoutent un manque d’anticipation. Le recrutement, la formation et la sécurisation des agents recenseurs n’ont pas encore atteint la vitesse de croisière nécessaire. À cela s’ajoute la question cruciale du financement, encore partiellement couvert selon des sources internes au ministère.

Sans une logistique solide, le risque est grand que certaines zones rurales, enclavées ou frontalières, soient mal recensées ou oubliées, compromettant ainsi la qualité globale des données.

Un enjeu stratégique pour la gouvernance

Pour les autorités, ce recensement n’est pas une simple formalité administrative : c’est un outil stratégique. Il conditionne la mise en œuvre de programmes sociaux tels que l’identification des Gabonais économiquement faibles (GEF), la planification des infrastructures, ou encore la répartition des ressources publiques.

Mais si la collecte s’effectue dans la précipitation, l’ambition d’obtenir des statistiques fiables et exploitables pourrait être compromise. Et sans données solides, la promesse de politiques publiques « plus justes et adaptées aux besoins des populations » risque de rester un slogan.

La crédibilité du processus en question

Le gouvernement affiche une volonté claire d’avancer, mais la transparence du processus et la qualité du contrôle des données seront déterminantes pour restaurer la confiance dans les statistiques nationales. Dans un pays où la donnée publique a souvent été politisée, la réussite du RGPL 2025 dépendra de la capacité des institutions à garantir indépendance, rigueur et neutralité dans le traitement des résultats.

Le recensement est un miroir : il reflète autant la réalité démographique du pays que la maturité de son appareil administratif. Reste à savoir si, cette fois, le Gabon saura le regarder en face.

Articles connexes

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page