Economie

Gabon : la GOC suspend le rachat des actifs de Tullow Oil

Présentée comme une étape clé pour renforcer le contrôle du Gabon sur ses ressources pétrolières, la transaction entre la Gabon Oil Company (GOC) et le britannique Tullow Oil est aujourd’hui au point mort. Annoncée officiellement le 13 mai 2025 et évaluée à 300 millions de dollars (environ 168 milliards de francs CFA), l’opération vient d’être suspendue, faute de financement mobilisé, notamment par le principal partenaire financier, le trader suisse Gunvor.

L’accord portait sur la cession de 100 % des actifs non-exploités de Tullow Oil Gabon SA à la GOC. Avec une production estimée à 10 000 barils par jour et environ 36 millions de barils de réserves prouvées et probables, l’acquisition représentait une avancée importante dans la quête de souveraineté énergétique du pays. Pour Tullow Oil, il s’agissait d’un levier pour réduire sa dette et se recentrer sur des projets plus rentables.

Mais malgré les ambitions affichées, le dossier s’enlise. Selon des informations rapportées par Africa Intelligence, la transaction est aujourd’hui suspendue à cause de retards dans la mobilisation des fonds, dus en partie à des lenteurs administratives et des blocages dans la structuration financière côté gabonais. Un revers inattendu pour une opération qualifiée de prioritaire par les autorités.

Enjeux : souveraineté énergétique et crédibilité financière

Au-delà du simple report, cette suspension soulève plusieurs interrogations. La première concerne la capacité réelle de la GOC à piloter des acquisitions d’envergure dans un contexte de marché incertain. Ce retard pourrait repousser l’exploitation des gisements concernés, avec pour conséquence un manque à gagner important pour l’État, tant en termes de revenus que de positionnement stratégique.

Deuxième enjeu : l’image de fiabilité de la GOC et, plus largement, celle du Gabon en tant qu’acteur économique capable de mener à bien des montages financiers complexes. Dans un environnement international où les investisseurs scrutent la solidité des contreparties étatiques, ce type de blocage envoie un signal d’alerte.

Enfin, cette situation ravive le débat sur la stratégie énergétique du pays. Si la volonté de nationaliser davantage les ressources est compréhensible, elle bute sur des réalités pratiques : financement, gouvernance, efficacité opérationnelle. Le cas Tullow pourrait ainsi devenir emblématique des limites actuelles à la souveraineté énergétique africaine lorsqu’elle repose uniquement sur des instruments étatiques sous-capitalisés.

Un avertissement pour l’avenir

Le contexte n’est pas favorable à l’optimisme. Tullow Oil, déjà confrontée à des tensions dans d’autres régions d’Afrique, comme l’abandon récent de négociations avec Kosmos Energy, pourrait revoir sa stratégie de désengagement. De son côté, le Gabon voit s’éloigner une opportunité d’accroître sa maîtrise sur son secteur pétrolier, dans une période où chaque baril compte pour redresser ses finances publiques.

Au final, cette suspension constitue un revers autant symbolique que stratégique. Elle rappelle la complexité de reprendre le contrôle sur ses ressources naturelles sans disposer d’un écosystème financier et administratif à la hauteur des enjeux. Pour le Gabon, c’est un appel à repenser en profondeur ses outils d’intervention économique, avant que d’autres opportunités ne lui échappent.

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