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« Tenue correcte pour les pauvres ? » : quand une photo révèle la fracture sociale

Une simple photo, une rencontre officielle. Ce qui devait être une opération de communication réussie autour de la promotion du tourisme s’est transformé en un miroir grossissant des tensions et du ressentiment qui couvent au sein de la société gabonaise. La cause ? Un sweatshirt et une paire de babouches, symboles d’un privilège qui ne passe plus.

L’image se voulait positive et porteuse d’avenir. Le Ministre du Tourisme, Pascal Ogowe Siffon, qui pose fièrement aux côtés d’Eudoxie Bridges, influente personnalité de la diaspora, et de sa fille Karma, jeune réalisatrice.

L’objectif affiché, celui d’explorer des pistes pour promouvoir la destination Gabon. Mais sur les réseaux sociaux, ce n’est pas l’ambition du projet qui a retenu l’attention, mais un détail vestimentaire qui a mis le feu aux poudres.

La tenue décontractée des deux invitées – un sweatshirt gris pour Karma et des mules ouvertes pour sa mère – a heurté de plein fouet une réalité bien connue et amère pour des milliers de Gabonais.

L’accès à n’importe quelle administration publique est régi par une règle stricte, souvent affichée sans ménagement à l’entrée.

La règle du « deux poids, deux mesures »

Cette règle n’est pas une simple habitude, mais le fruit d’un décret gouvernemental.

Pour le citoyen ordinaire, elle est appliquée avec une rigueur inflexible. Tenter d’entrer dans un ministère en jean, en t-shirt ou en chaussures ouvertes, c’est s’exposer à un refus humiliant.

« Nous là, dès qu’on arrive un peu en jeans chemise dans vos vieux bureaux administratifs, tu entends seulement ‘on ne rentre pas habillé comme ça ici' », s’indigne un internaute, résumant une expérience partagée par beaucoup.

En voyant ces photos, le sentiment d’injustice a explosé. Ce n’est pas tant le style vestimentaire des Bridges qui est critiqué, mais le privilège flagrant qu’il expose.

Comment une règle, si intransigeante pour le peuple, peut-elle s’effacer si facilement devant des invités de marque ? La question est sur toutes les lèvres et révèle une fracture profonde.

Plus qu’une tenue, le symptôme d’un mal profond

La polémique est rapidement devenue le symptôme d’un mal plus profond, celui de la déconnexion perçue entre une élite dirigeante et la population.

L’incident donne corps à l’idée d’une société à deux vitesses, où les lois et les contraintes sociales ne s’appliquent qu’à ceux qui n’ont ni statut, ni pouvoir. Les règles sont des barrières pour les uns, et de simples suggestions pour les autres.

« Cherche à avoir un statut convaincant, tu pourras même rentrer en string. L’histoire des tenues présentables, c’est pour les pauvres. »

L’ironie de la situation est cruelle. Une initiative conçue pour redorer l’image du Gabon à l’international a finalement projeté une lumière crue sur ses inégalités internes.

L’opération de « soft power » s’est transformée en un cas d’école de communication ratée, où l’angle mort était la réalité vécue par ses propres citoyens.


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