Concours nationaux : La méritocratie à l’épreuve des fraudes à répétition
Cas des concours de l'ENA et de la Police

Les récents concours d’entrée à l’École Nationale d’Administration (ENA) et de recrutement au sein des Forces de Police Nationale (FPN) au Gabon sont éclaboussés par de sérieuses accusations de fraude et d’irrégularités.
Ces scandales successifs jettent une ombre sur la crédibilité des processus de sélection de la fonction publique et alimentent la frustration et le désespoir de nombreux jeunes Gabonais.
Au-delà des candidats directement concernés, c’est la confiance dans les institutions étatiques et le principe même de la méritocratie qui sont mis à mal. Ils interpellent directement la responsabilité des administrations en charge de l’organisation de ces examens cruciaux.
Concernant le concours de l’ENA, qui s’est tenu fin 2024, de vives contestations ont émané de candidats recalés qui dénoncent ouvertement des irrégularités massives.
Un collectif s’est formé pour alerter sur des cas de favoritisme et de népotisme, avec par exemple des « personnes déclarées admises sans pour autant avoir passer les épreuves ».

Malgré des manifestations, des sit-ins devant l’Assemblée Nationale et même une grève de la faim, la seule réponse apportée par les autorités semblent être l’indifférence aux yeux des plaignants qui réclament l’annulation pure et simple du concours et une enquête indépendante pour rétablir la vérité et la justice.
Le tableau n’est guère plus reluisant du côté du dernier concours de recrutement de la police. Déroulé entre fin 2023 et début 2024, ce concours a révélé l’ampleur d’une fraude documentaire alarmante.
Sur plus de 6 000 candidats initialement admis, près de 4 600 ont été écartés a posteriori en raison de dossiers falsifiés (faux actes de naissance, faux diplômes) ou d’usurpation d’identité. Ce scandale a conduit à la suspension et à l’assignation à résidence de six officiers de police, soupçonnés d’implication.

L’issue de l’enquête et les suites données à cette affaire restent floues et laissent planer le doute sur la détermination réelle à assainir complètement le processus et à sanctionner tous les responsables.
Ces affaires soulèvent des sérieuses questions quant à la diligence, à la transparence et à l’intégrité des administrations responsables; au premier chef, le Ministère de la Fonction Publique, le Ministère de l’Intérieur, la direction de l’ENA et le commandement en chef des Forces de Police Nationale.
Comment de telles fraudes massives peuvent-elles se produire et, semble-t-il, avec une relative impunité ? Quels mécanismes de contrôle sont en place et sont-ils efficaces ?
L’incapacité apparente à garantir l’équité de ces concours affaiblit non seulement la confiance du public, mais compromet également la qualité future de l’administration publique et des forces de sécurité du pays.
Dans un contexte de « restauration » des institutions et de moralisation de la vie publique souvent évoqué par le gouvernement de transition, ces scandales de concours apparaissent comme des contre-exemples flagrants.
Ils nourrissent le cynisme et le sentiment d’injustice parmi une jeunesse aspirant légitimement à des opportunités basées sur le mérite et la compétence, et non sur les relations ou la tricherie.
Il est impératif que les administrations concernées prennent la pleine mesure de la gravité de la situation.

Des enquêtes transparentes et impartiales doivent être menées à terme, tous les responsables identifiés et sanctionnés conformément à la loi, sans distinction de rang. L’annulation des résultats entachés de fraude avérée devrait être une option sérieusement considérée pour garantir l’équité.
Surtout, des réformes structurelles sont nécessaires pour mettre en place des mécanismes d’organisation de concours véritablement sécurisés, transparents et fondés sur le seul mérite, afin de redonner espoir aux Gabonais et de bâtir une administration et des forces de défense et de sécurité dignes de la confiance de la nation.
Le silence ou l’inaction face à ces fraudes répétées équivaudrait à cautionner la corruption et à sacrifier l’avenir.