Dossier Averda : l’ex-ministre Lambert-Noël Matha relaxé, l’État gabonais lourdement sanctionné

La justice gabonaise a tranché : Lambert-Noël Matha, ancien ministre de l’Intérieur, a été définitivement écarté des poursuites dans le cadre du dossier Averda. Le tribunal de première instance de Libreville a prononcé, le 2 avril 2025, un non-lieu en sa faveur, faute d’éléments probants. Une décision qui lève les charges contre l’ex-haut fonctionnaire, mais qui contraste avec la condamnation prononcée contre l’État gabonais par la justice arbitrale internationale, contraint de verser plus de 24 milliards de F.CFA à la société libanaise de gestion des déchets.
Figure centrale du système électoral sous Ali Bongo, Matha avait vu sa réputation ternie par l’affaire Averda, symbole des soupçons de corruption ayant marqué la fin du régime. Le non-lieu qui lui a été accordé ferme le chapitre judiciaire le concernant, mais laisse en suspens la question de la responsabilité politique. Car pendant que l’ancien ministre retrouve sa liberté d’action, c’est le contribuable gabonais qui devra supporter le poids d’un arbitrage international perdu.
Un contrat à milliards qui vire au fiasco
Signé en 2015, le marché confié à Averda prévoyait une rémunération mensuelle de près d’un milliard de F.CFA pour assurer le ramassage des ordures, le balayage des rues et l’entretien des espaces publics. Mais très vite, retards de paiement, accumulation de déchets et conflits entre l’État et le prestataire ont fragilisé l’accord. La rupture unilatérale du contrat en 2019 a ouvert la voie à une procédure devant la Chambre de commerce internationale de Paris, qui a donné raison à Averda en 2023.
Depuis, l’État gabonais, sommé d’honorer une dette colossale, a vu certains de ses actifs menacés à l’étranger. Un paiement partiel effectué en 2024 n’a pas suffi à solder le contentieux, laissant planer l’incertitude sur les finances publiques. Sur le terrain, l’après-Averda s’est traduit par une multiplication de prestataires peu structurés et une persistance de l’insalubrité, aux conséquences sanitaires bien réelles pour la population.
Un révélateur des failles de la gouvernance publique
Cette affaire met en évidence des maux récurrents : recours aux marchés de gré à gré, manque de suivi contractuel, absence de planification et incapacité de l’État à défendre efficacement ses intérêts devant les juridictions internationales. Résultat : une relaxe individuelle d’un côté, une condamnation financière collective de l’autre.
Les nouvelles autorités ont promis de renforcer les mécanismes de transparence et de professionnalisation dans la gestion de la commande publique. Mais les attentes restent fortes : comment garantir qu’un « cas Averda » ne se reproduira pas ?
Plus qu’une affaire judiciaire close, le dossier Averda symbolise une gouvernance fragilisée où l’État paie au prix fort ses propres carences. La relaxe de Lambert-Noël Matha ne saurait masquer l’essentiel : le pays hérite d’une facture financière et d’une crise de confiance, dont le règlement dépassera de loin le seul terrain judiciaire.