EM Gabon-Université : quand l’éducation récompense les galons, pas les talents
30% sur les frais de scolarité ! Voilà une offre qui, sur le papier, semble faire sourire les familles. Mais à l’EM Gabon-Université, il faut visiblement lire entre les lignes, et surtout entre les matricules, pour comprendre qui est réellement concerné. Spoiler : si votre père n’a jamais foulé les couloirs de la Présidence ou si votre mère n’est pas capitaine dans la Gendarmerie, passez votre chemin.
Dans une note administrative datée du 31 juillet 2025, le Professeur Daniel Franck Idiata, président de l’université et conseiller spécial du Président de la République (coïncidence ?), a annoncé une réduction de 30% sur les frais de scolarité 2025-2026. Une aubaine !… pour les enfants des agents de la Présidence et des Forces de Défense et de Sécurité. Les autres ? Circulez, il n’y a rien à réduire.
Sous couvert d’un « hommage » aux héros du 30 août 2023, entendez par là les acteurs du coup d’État, l’université entend récompenser ceux qui auraient « sauvé la République ». Et quoi de mieux, pour dire merci, que d’offrir une énième faveur à ceux qui, en général, n’en manquent pas ? Après tout, entre les salaires, les logements de fonction, les passe-droits divers et les nominations en cascade, il manquait peut-être une petite ristourne académique pour arrondir les fins de mois.
Sélective, la solidarité
Car ne nous y trompons pas : cette mesure n’a rien d’universel. Elle ne vise ni les familles modestes, ni les élèves méritants, ni les orphelins de la République, ni les jeunes des quartiers périphériques. Non. Elle s’adresse exclusivement à un cercle restreint de bénéficiaires déjà installés dans le confort d’un système qui les protège, les récompense et les recycle au gré des circonstances.
Dans un pays où le coût des études reste un luxe pour une majorité, où les bourses sont aussi rares que les livres dans certaines bibliothèques universitaires, où la débrouille est un mode de vie pour des milliers d’étudiants, on aurait pu espérer une mesure plus inclusive. Une réduction basée sur le mérite, le besoin, la situation sociale, le parcours académique, ou même le simple désir de réussir.
Mais non. Ici, l’éducation devient un privilège réservé aux enfants de ceux qui détiennent les armes… ou les clés du palais.
Rendre hommage ou rendre service ?
Certains y verront un élan patriotique. D’autres, un renvoi d’ascenseur soigneusement emballé dans du papier institutionnel. Car il faut bien le dire : ce genre de décision ne sort pas d’un chapeau. Elle a une cible. Elle a un message. Et elle a une fonction : rappeler à certains qu’on pense à eux. Qu’ils sont les « bons » Gabonais. Les premiers servis. Les premiers exonérés.
Dans cette université censée former les élites de demain, on préfère donc commencer par favoriser les élites… d’hier. Ou du moins, celles qui ont bien joué le jeu du 30 août. La boucle est bouclée.
Et les autres ? Silence radio. Les enseignants contractuels mal payés, les soignants des dispensaires, les mères célibataires qui cumulent trois petits boulots, les jeunes bacheliers orphelins de bourse, tous ces Gabonais invisibles n’ont droit à aucune reconnaissance. Pas même une ligne dans la note administrative. Pas même un mot d’encouragement.
Et pourtant, eux aussi tiennent ce pays debout. Par leur résilience. Par leur persévérance. Par leur foi en un avenir qu’on leur refuse souvent.
Mais il faut croire que l’ascenseur social, à l’EM Gabon-Université, est en maintenance. Seul l’escalier des privilèges reste praticable. À condition d’avoir le bon badge.
Moralité ? Dans cette « République restaurée », les réductions ne sont pas pour ceux qui peinent, qui espèrent, qui rament. Elles sont pour ceux qui ont déjà tout. Un geste altruiste, vraiment ? Non. Juste une preuve de plus que l’égalité des chances, ici, n’est toujours pas à l’ordre du jour.