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Affaire R. : Ce que le procès de Port-Gentil dit du tabou de l’inceste et de la parole de l’enfant

La Cour criminelle de Port-Gentil a tranché et a mis un terme juridique à quatre années d’une procédure douloureuse. Les faits, rappelons-le, une fillette, « R. », violée à tour de rôle par ses deux cousins aînés au sein même du domicile de leur mère, sa tante, qui l’hébergeait.

L’alerte été donnée par son petit frère, alors âgé de 3 ans.Si le cas est particulier, illustre de manière crue le mécanisme implacable de la loi du silence qui prévaut souvent dans les affaires de violences sexuelles intrafamiliales.

Le premier rempart de ce silence fut la famille elle-même. Comment interpréter autrement le retrait du père de la victime, qui, après avoir courageusement porté plainte, a refusé de se constituer partie civile ?

Cet acte suggère la volonté peut-être de ne pas faire imploser un clan déjà fracturé, ou la peur d’un opprobre social qui punit souvent autant la victime que le coupable. Ce silence est également incarné par le témoignage de la tante, la mère des accusés.

Affirmer que sa nièce ne s’était jamais plainte de la moindre douleur, s’est choisir son camp, celui de ses fils. Une loyauté maternelle compréhensible humainement, mais qui, face à la justice, s’est transformée en un mur dressé contre la quête de vérité de la jeune victime.

Le sanctuaire familial, lieu de protection par excellence, est devenu une forteresse protégeant les agresseurs.

Face à ce bloc de dénégations et de non-dits, que restait-il ? La parole d’une enfant. Une parole « constante » à chaque étape de l’enquête, selon les termes du dossier.

C’est sur ce fil ténu mais solide que la Cour a bâti sa conviction, choisir de croire « R. » malgré les failles soulevées par la défense – notamment un certificat médical jugé insuffisant et l’incapacité à déterminer son âge exact au moment des faits.

Le fait que le déclencheur de toute l’affaire soit un enfant de trois ans, trop jeune pour inventer ou manipuler, renforce cette idée que la vérité sort, littéralement, de la bouche des enfants.

Ce drame interroge notre système de protection dans son ensemble. Quand une enfant est confiée à sa famille élargie – une pratique sociale profondément ancrée et souvent bénéfique –, qui veille ?

Les arguments de la défense sur les lacunes de l’enquête médicale soulèvent une question plus large. La justice et les services sociaux disposent-ils de tous les outils  pour traiter ces affaires avec la rigueur scientifique et l’humanité qu’elles exigent ?

Le verdict de Port-Gentil est donc une victoire pour « R. ». Mais il ne doit pas être l’arbre qui cache la foret.

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