Santé publique : Derrière les succès statistiques, le chantier immense de la proximité

Le Gabon a célébré cette semaine une baisse spectaculaire de sa mortalité infantile, un succès indéniable salué par l’OMS. Pourtant, dans le même temps, le gouvernement a lancé un ambitieux programme pour la santé communautaire. Le « dernier kilomètre » des soins, le plus proche du citoyen, reste le maillon faible du système.
Les chiffres présentés ce lundi 14 juillet 2025 lors de la « Réunion de haut niveau pour la coordination et le plaidoyer sur la santé communautaire » ont de quoi impressionner.
En une décennie, le Gabon a fait chuter le taux de mortalité infantile de 43 à 28 pour 1000 naissances et celui des moins de 5 ans de 92 à 39.
Ces statistiques, mises en avant par le Représentant de l’OMS, témoignent d’une amélioration tangible au niveau globale. Des meilleurs plateaux techniques dans les hôpitaux, des campagnes de vaccination plus efficaces, ou un meilleur suivi prénatal.
Pourtant, la tenue même d’une « Réunion de haut niveau » pour « donner une âme à la Santé communautaire » pose une question fondamentale.

Si les grands indicateurs s’améliorent, pourquoi un tel besoin de repartir à la base ? La réponse se trouve dans ce que le communiqué du Ministère de la santé nomme pudiquement les « défis révélés par l’état des lieux ».
Derrière les succès nationaux se cache une réalité plus complexe sur le terrain, celle de l’inégalité d’accès aux soins.
Les progrès enregistrés profitent principalement aux zones urbaines et à ceux qui peuvent accéder aux structures sanitaires.
Pour beaucoup d’autres, dans les régions enclavées, la prévention, le dépistage précoce et le premier conseil médical restent un luxe.

Le nouveau plan de santé, qui vise à déployer un réseau d’agents communautaires, est la reconnaissance officielle de cette lacune.
L’ambition est louable, mais elle se heurtera à des obstacles bien connus, à savoir le besoin « d’infrastructures, d’équipements, de personnels formés et de moyens financiers ».
L’appui des partenaires internationaux comme la Banque mondiale est crucial mais par nature temporaire. L’appel du Dr Brice Bikaba (mde l’Africa CDC à « la mise en place des mécanismes de financement durable incluant les ressources nationales » est le point névralgique.
Le succès du programme dépendra de la volonté politique de l’État gabonais d’inscrire durablement cette dépense dans son propre budget, au-delà des cycles de l’aide internationale.

Par ailleurs, la formation des agents est une chose, les retenir en est une autre. Quel statut auront-ils ? Seront-ils des bénévoles, des contractuels précaires, des fonctionnaires ?
Sans une véritable carrière, une rémunération décente et une reconnaissance de leur travail, le risque d’un fort taux d’abandon est élevé, compromettant la continuité des soins.