Le Gabon face à ses contradictions sur la dette : entre urgence de croissance et promesse de réduction

La stratégie gabonaise en matière d’endettement public navigue en eaux troubles. Elle oscille entre une priorité affichée à la relance économique immédiate et un plan à moyen terme d’une réduction significative de la dette. Une apparente contradiction qui soulève des interrogations quant à la feuille de route économique du pays.
Au cœur de ce paradoxe, les récentes déclarations d’Henri-Claude Oyima, ministre de l’Economie, des Finances, de la Dette et des Participations.
Lors d’une interview accordée à TV5 Monde, il a affirmé sans ambages que la réduction de la dette publique « n’est pas un objectif » pour les autorités.
La priorité, martèle-t-il, est de « relancer la croissance économique et d’accélérer le développement du pays afin de concrétiser les engagements du président de la République ».
Un discours qui met l’accent sur l’investissement et la stimulation de l’activité pour « rendre au Gabonais sa dignité ».
Cette position audacieuse, contraste pourtant de manière frappante avec les propres documents stratégiques du gouvernement.

La stratégie 2025-2027 du Gabon, récemment dévoilée, fixe des objectifs clairs en matière de désendettement. Le pays ambitionne de réduire son taux d’endettement de 55,7% du PIB estimé pour 2024 à un niveau bien plus soutenable de 39,1% du PIB en 2027.
Ce plan prévoit notamment de diminuer progressivement la dépendance aux emprunts extérieurs au profit de financements régionaux et de prêts à long terme.
Comment interpréter alors cette dualité ? S’agit-il d’une distinction sémantique où la réduction de la dette n’est pas un objectif en soi à court terme, mais une conséquence attendue d’une croissance économique robuste ?
Ou est-ce une stratégie de communication visant à rassurer, d’une part, sur la volonté d’investir massivement pour le développement, et d’autre part, les partenaires financiers sur une gestion rigoureuse à moyen terme ?

La nuance pourrait résider dans la temporalité et la méthode. Le gouvernement semble parier sur un effet de levier. Investir aujourd’hui, quitte à maintenir un niveau d’endettement élevé, pour générer une croissance future qui facilitera mécaniquement la baisse du ratio dette/PIB et le remboursement.
Cette communication à double détente intervient cependant dans un contexte où les chiffres de la dette gabonaise sont scrutés de près. Le Fonds monétaire international (FMI) se montre plus pessimiste, estimant que la dette pourrait dépasser 80% du PIB en 2025.
Un chiffres largement au dessus du seuils de prudence de la CEMAC. Le pari du gouvernement serait donc de stimuler l’économie d’abord, en espérant que la croissance générée permettra de maîtriser, voire de réduire, l’endettement sans imposer de cures d’austérité immédiates.

Reste à savoir si cette approche, qui jongle entre priorités de court terme et engagements de moyen terme, parviendra à concilier les ambitions de développement avec la nécessaire soutenabilité des finances publiques, et si les faits donneront raison à cette audacieuse, mais potentiellement risquée, contradiction apparente.