Libreville : Pierre Matthieu Obame Etoughe, l’inconnu qui hérite du fauteuil de maire

À 56 ans, Pierre Matthieu Obame Etoughe entre dans l’histoire politique de la capitale gabonaise par la grande porte. Élu le dimanche 09 novembre 2025, maire de Libreville avec 148 voix sur 151 votants, cet homme longtemps resté dans l’ombre accède à l’un des postes les plus exposés du pays.
Issu de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB, parti au pouvoir), il succède à Adrien Nguema Mba, ancien délégué spécial de la commune.
Un haut fonctionnaire discret, mais aguerri
Né le 21 septembre 1969, formé intégralement au Gabon, Obame Etoughe revendique un parcours « 100 % national ». Bachelier du lycée technique national Omar Bongo, diplômé en génie civil de l’École polytechnique de Masuku, il sort ensuite de l’École nationale d’administration (ENA) de Libreville avec un diplôme d’administrateur. Son profil technique, complété par des formations à la Banque africaine de développement (BAD), témoigne d’une solide connaissance des rouages de l’État.
Avant son entrée à l’Hôtel de ville, il occupait le poste d’inspecteur général au Contrôle général d’État, l’administration chargée d’auditer les finances et la gouvernance publiques. Il a également été secrétaire général au ministère des Travaux publics, où il s’est confronté aux réalités du terrain et aux limites structurelles des infrastructures gabonaises.
Une élection sous le signe du réalisme politique
S’il a été élu sans surprise, sa candidature unique témoigne aussi d’un consensus politique orchestré dans un contexte encore sensible, deux ans après la transition ouverte par le coup d’État du 30 août 2023. La tradition non écrite voulant que la mairie de Libreville revienne à un fils de l’Estuaire a une fois de plus pesé lourd. Une réalité que le président Brice Clotaire Oligui Nguema aurait voulu bousculer, avant de reculer face à la pression des élites locales.
Libreville, capitale à reconstruire
L’homme arrive aux commandes d’une ville à la fois vitrine et miroir des maux urbains du pays : voiries dégradées, inondations récurrentes, insalubrité chronique, et un urbanisme anarchique hérité de décennies de gestion approximative. À cela s’ajoutent la pression démographique, la spéculation foncière et le défi de la mobilité urbaine, autant de chantiers titanesques pour un exécutif municipal encore limité dans ses moyens.
Pour de nombreux observateurs, le nouveau maire devra rapidement s’imposer par des actes concrets, loin des promesses convenues. « Sa crédibilité se mesurera à sa capacité à réhabiliter les routes, à organiser la collecte des déchets et à rendre Libreville vivable », estime un urbaniste local.
Un test grandeur nature
Pierre Matthieu Obame Etoughe n’est ni un tribun ni un visage familier du grand public. Mais son profil de technocrate méthodique pourrait jouer en sa faveur, à condition de s’entourer d’une équipe compétente et de résister aux influences politiques. Son mandat s’annonce comme un test grandeur nature pour un homme dont la discrétion devra désormais laisser place à la fermeté et à la vision.
À Libreville, où chaque maire finit par incarner les espoirs et les frustrations d’une capitale en quête de modernité, le nouveau premier magistrat a désormais rendez-vous avec l’histoire, et avec la réalité du terrain.


