Projet « Gab Pêche » : les coopératives appellent à l’apaisement et dénoncent des dérives de gestion

Deux mois après le lancement du projet « Gab Pêche », censé promouvoir la pêche artisanale gabonaise, des tensions internes menacent déjà la cohésion du programme. Face à la multiplication des accusations sur les réseaux sociaux, un collectif de coopératives bénéficiaires a tenu, mardi 7 octobre à Libreville, une conférence de presse pour dénoncer ce qu’il qualifie de « fausses allégations » et réclamer une meilleure gouvernance du projet.
Les responsables des coopératives, Yents-Kumbe, président de la Coopérative équatoriale des pêcheurs du Gabon (Cepeg), et Marcel Edou Ndong, président de la Coopérative Bambouchine (Copeb), ont réagi aux accusations de détournement, de vente illégale de poissons à des étrangers et d’extorsion auprès des mareyeurs.
Selon eux, ces affirmations ne reposent sur « aucune preuve tangible » et participent d’une campagne de déstabilisation. « Le projet avance, malgré les difficultés du métier et certaines incompréhensions internes », a indiqué Yents-Kumbe, tout en appelant à préserver l’esprit collectif à l’origine de Gab Pêche.
Un modèle économique contesté
Créé sous l’égide du Groupement d’intérêt économique (GIE) Société nationale de développement de l’économie bleue, le projet « Gab Pêche » a bénéficié du soutien de l’État pour encourager la participation des nationaux à la pêche à grande échelle.
Mais une partie des acteurs dénonce aujourd’hui un modèle jugé inéquitable. D’après Yents-Kumbe, l’ancien administrateur directeur général (ADG), Hermann Omanda, suspendu depuis peu, aurait mis en place un système de répartition des recettes attribuant 60 % des revenus à l’administration et seulement 40 % aux pêcheurs. « C’est un schéma injuste et proche d’un esclavage moderne, d’autant que les pêcheurs supportent leurs charges et remboursent leurs crédits », a-t-il affirmé.
Le représentant des pêcheurs évoque également des anomalies financières, dont des montants non reversés à la banque, estimés à plus de deux millions de francs CFA. Il plaide pour une refonte de la gouvernance et l’instauration d’un cadre plus équitable, notamment via la bancarisation et la couverture sociale des pêcheurs à la CNSS.
Des irrégularités dans la gestion pointées du doigt
Marcel Edou Ndong, porte-parole du collectif des dix coopératives bénéficiaires, a pour sa part dénoncé des dysfonctionnements dans la direction du projet. Il accuse l’ex-ADG d’avoir retardé les premières sorties en mer de près d’un mois et d’avoir exercé un « racket systématique » à travers des demandes d’argent injustifiées.
Selon lui, lors de la première campagne de pêche, du 5 au 9 septembre, environ 2,2 tonnes de poissons avaient été capturées. Pourtant, après commercialisation, seuls 1,6 tonne et 40 % des recettes, soit près de 1,8 million FCFA, auraient été reversés aux pêcheurs. Les 60 % restants, évalués à 2,7 millions FCFA, n’auraient pas été déposés à la Banque commerciale et d’épargne du Gabon (BCEG). Une situation qui aurait conduit au dépôt d’une plainte pour détournement.
Préserver un projet social d’envergure nationale
Les coopératives insistent sur la nécessité de « sauvegarder l’esprit social » de Gab Pêche, qui vise à insérer durablement les Gabonais dans la chaîne de valeur de la pêche artisanale. Elles saluent la décision de la ministre de la Mer, Laurence Ndong, de suspendre provisoirement l’ancien dirigeant, et expriment leur soutien aux nouvelles orientations impulsées par le ministère.
« Nous voulons que ce projet reste une fierté nationale, au service des pêcheurs gabonais, et non une source d’enrichissement personnel », a déclaré Edou Ndong. Le collectif a réaffirmé son engagement à veiller à une gestion transparente et à la distribution effective des 700 pirogues promises par les autorités.
Vers une refondation de la gouvernance
Dans les prochains jours, une Assemblée générale devrait être convoquée pour repenser la structure du projet et instaurer une gouvernance plus participative. Les représentants des coopératives souhaitent que chaque acteur, du pêcheur au gestionnaire, puisse contribuer à la définition d’un modèle plus juste, durable et économiquement viable.