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Le football gabonais : les professionnels de l’amateurisme

Autrefois source de fierté nationale, le football gabonais est aujourd’hui en état de mort cérébrale. À chaque saison mal entamée, à chaque joueur non payé, à chaque stade vide, une seule chose devient claire : le Gabon ne fait plus rêver par le ballon rond. Pire, il ne s’y intéresse même plus. Le football gabonais est devenu une caricature de ce qu’il aurait pu être : un outil de développement, d’unité et de rayonnement.

Le problème est structurel, profond, et désormais visible à l’œil nu. Le championnat national survit uniquement grâce à l’argent public. Aucun club à part Mangasport n’a de sponsor privé solide, aucun n’a une billetterie digne de ce nom, aucun ne vend de produits dérivés ou ne génère de revenus indépendants. Tout est financé par l’État, qui peine déjà à assurer les besoins fondamentaux d’un pays en crise. Et malgré ce soutien artificiel, les joueurs sont régulièrement impayés pendant des mois. Certains doivent se contenter de primes symboliques, d’autres abandonnent tout simplement leur carrière par découragement.

Les terrains sont dans un état catastrophique. En dehors des infrastructures héritées de la CAN 2012, comme le stade de l’Amitié à Libreville ou celui de Franceville, les pelouses ressemblent à des terrains vagues. Bosselées, sablonneuses, elles n’ont rien à envier aux matchs interquartiers du dimanche. Il est difficile d’imaginer qu’un pays producteur de pétrole puisse tolérer de telles conditions pour son sport roi.

Cette pauvreté structurelle a un impact direct sur les performances nationales. L’équipe des Panthères du Gabon n’a aucun renfort local crédible, et pour cause : le niveau du championnat est trop faible. Aucun joueur issu des clubs gabonais n’a le niveau requis pour intégrer la sélection nationale. La majorité des Panthères viennent de l’étranger, souvent formés ailleurs. C’est un terrible aveu d’échec pour une fédération qui n’a jamais réussi à construire une base locale solide.

La preuve la plus criante ? Les clubs gabonais sont incapables de passer le moindre tour en Ligue des champions africaine ou en Coupe de la CAF. Chaque saison, les représentants gabonais sont éliminés dès le premier tour préliminaire, souvent humiliés par des clubs venant de pays à budget équivalent ou même inférieur. Les clubs gabonais ne sont pas compétitifs. Non pas par manque de talents, mais par absence de structure, de vision et de professionnalisme.

Et pourtant, le potentiel est là. Le Gabon regorge de jeunes passionnés. Dans les rues de Libreville, Port-Gentil, Bitam ou Lambaréné, des enfants jouent au football tous les jours, rêvant de gloire, de sélection, de reconnaissance. Mais il n’existe aucun circuit clair de détection, aucune académie soutenue, aucun investissement durable dans la formation. Les jeunes talents s’éteignent dans l’indifférence, ou tentent l’exil à tout prix.

Les clubs gabonais eux-mêmes ne séduisent pas. Ils n’ont pas d’identité forte, pas de communauté, pas de stratégie de communication. Aucun investisseur privé ne veut miser sur un système opaque, instable, et sans retour sur investissement. Même les supporters ne se reconnaissent plus dans ce football-là. Les stades sont vides, les matchs se jouent dans l’indifférence générale. On suit l’Europe, on supporte le Real Madrid ou Manchester City, mais on ignore totalement ce qui se passe dans le championnat local.

Quant à la Fédération gabonaise de football (FEGAFOOT), censée être la boussole de tout ce système, elle passe plus de temps à régler des conflits internes ou à organiser des élections contestées qu’à structurer une véritable stratégie de développement. Aucun plan décennal, aucune réforme ambitieuse, aucun audit sérieux. Juste des communiqués vagues, des discours creux et des promesses sans lendemain.

Le football gabonais ne se vend pas. Il ne passionne plus. Il ne fait plus rêver. Et cela n’est pas une fatalité, mais le résultat d’un échec collectif : celui de dirigeants incompétents, de politiques désintéressés, et d’une société qui s’est résignée.

Si rien ne change – si les clubs ne deviennent pas autonomes, si les infrastructures ne sont pas rénovées, si la formation n’est pas mise au cœur du projet, si l’on continue à espérer que l’État paie éternellement – alors le football gabonais est condamné à rester à l’écart de l’histoire.

Et le pire, c’est que tout le monde semble s’en accommoder.

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