Politique

Togo: la colère d’un peuple face à une réforme qui verrouille le pouvoir

Depuis le 26 juin dernier, Lomé vibre au rythme des manifestations. Dans les rues, des centaines de Togolais bravent la peur et la répression, décidés à faire entendre leur ras-le-bol face à un pouvoir qui, selon eux, s’accroche coûte que coûte. Les rassemblements, rares depuis leur interdiction en 2022, sont violemment dispersés: gaz lacrymogène, matraques, arrestations, rien n’est épargné aux manifestants, même dans les quartiers résidentiels.

Une réforme taillée sur mesure pour la dynastie Gnassingbé

En mars-avril 2024, le Parlement togolais adopte une réforme constitutionnelle majeure : le pays passe d’un régime présidentiel à un régime parlementaire. Le président devient une figure symbolique, tandis que le vrai pouvoir se concentre désormais dans les mains du « Président du Conseil des ministres », un poste sans limitation de mandats, attribué par la majorité parlementaire. Faure Gnassingbé, déjà à la tête du pays depuis 2005, s’assure ainsi une continuité au sommet de l’État, sans avoir à se soumettre à une élection populaire directe.

Pour beaucoup, c’est un « coup d’État constitutionnel »: un tour de passe-passe qui garantit à la famille Gnassingbé une mainmise indéfinie sur le pays. « Ce changement fondamental du système de gouvernance du Togo, qui limite les droits politiques des citoyens, n’a pas été adopté par référendum, mais par le parti au pouvoir depuis longtemps et ce, via des procédures législatives opaques », déplore un observateur.

Répression, censure et musellement des voix dissidentes

Face à la contestation, l’État serre la vis. Les réseaux sociaux sont coupés, les médias indépendants suspendus ou censurés, des journalistes arrêtés ou expulsés, et près de 80 manifestants interpellés ces derniers jours. Les témoignages de violences policières et de détentions arbitraires se multiplient.

Dans les quartiers populaires comme Bè, la tension est palpable. Les jeunes, en première ligne, dénoncent la faim, le chômage, la précarité et le sentiment d’abandon. Les slogans fusent, les pneus brûlent, les barricades se dressent. « Trop, c’est trop. Nous voulons le changement », confie Hélène, commerçante à Hedzranawoé, qui a choisi de fermer boutique en solidarité avec les manifestants.

Des élections verrouillées et une présidence de façade

En février 2025, un Sénat est élu: la majorité présidentielle rafle 34 des 41 sièges, l’opposition ayant boycotté le scrutin. Un mois plus tard, Jean-Lucien Savi de Tové, 86 ans, est nommé président par un collège de députés et sénateurs, sans véritable compétition, ni suffrage populaire. Le vrai pouvoir reste entre les mains de Faure Gnassingbé, désormais Président du Conseil des ministres, sans limite de mandats.

Un climat social explosif, une démocratie en berne

La colère gronde, alimentée par la pauvreté, l’inflation, la dégradation des routes et l’augmentation du prix de l’électricité. Les inégalités entre villes et campagnes se creusent, et la jeunesse togolaise se sent sacrifiée.

Sur le plan international, le Togo glisse dans la catégorie des « Partly Free » selon Freedom House, avec des scores faibles en droits politiques et libertés civiles. Les ONG et partenaires internationaux s’inquiètent de la dérive autoritaire et de la fragilisation de la paix civile.« Ce régime ne cache plus son autoritarisme. Derrière cette stratégie, c’est aussi tout un partenariat, Afrique de l’Ouest, France, partenaires financiers qui s’inquiète : la paix civile est fragile, le cadre institutionnel éclate sous le poids des clans et des intérêts privés. »

En somme, la « 5e République » togolaise, présentée comme une modernisation, ressemble surtout à une manœuvre pour verrouiller le pouvoir au profit d’une dynastie. Sous couvert de réforme, le régime impose la censure, multiplie les arrestations et coupe Internet, créant un climat de tension extrême. Tant que rien ne change, la colère populaire ne fera que croître, et le Togo risque de devenir l’exemple d’une dictature à visage démocratique, dans une région déjà secouée par les coups d’État.

MBOLWE MEDIA NEWS

Détenteur d'une Licence en Sociologie (parcours Travail et Organisations) et d'un Master en Qualité Hygiène Sécurité Environnement, je suis un jeune africain, journaliste dans l'âme, amoureux de sport, de musique (éclectique), de la vérité, du savoir et de la justice.

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