Transport aérien : le Gabon, champion des taxes les plus élevées d’Afrique

En 2024, voyager au départ du Gabon coûte plus cher qu’ailleurs sur le continent, non pas en raison du prix des compagnies, mais à cause des taxes. Avec près de 298 dollars (181 600 F.CFA) prélevés par billet international, le pays se hisse au sommet du classement des redevances aériennes en Afrique, selon l’étude 2024 de l’Association des compagnies aériennes africaines (AFRAA). Un record qui relance le débat sur l’accessibilité du ciel gabonais et sur l’avenir de la compétitivité du secteur.
L’étude révèle que chaque passager quittant Libreville doit s’acquitter en moyenne de 297,7 dollars de taxes, soit plus de quatre fois la moyenne africaine (68 dollars, environ 41 500 F.CFA) et près de dix fois le niveau observé en Afrique du Nord (25 dollars, 15 250 F.CFA). Même sur les vols régionaux, le Gabon figure en haut du classement avec 260 dollars (158 600 F.CFA) de prélèvements en moyenne, juste derrière la Sierra Leone. À titre de comparaison, les grands hubs du continent comme Johannesburg, Casablanca ou Alger appliquent des taxes inférieures à 30 dollars (18 300 F.CFA). L’écart illustre la fracture entre l’Afrique centrale et occidentale, où les charges restent excessives, et d’autres régions plus compétitives.
Des effets pervers sur la demande et la compétitivité
Dans certains cas, les taxes représentent la moitié, voire davantage, du prix d’un billet. Cette situation pénalise directement les voyageurs gabonais, déjà confrontés à un pouvoir d’achat limité, mais aussi les acteurs économiques. Le tourisme, qui devrait être un moteur de diversification grâce à l’écotourisme et aux parcs nationaux, se trouve dissuadé. Quant aux compagnies aériennes, locales comme étrangères, elles peinent à rester compétitives dans un environnement où les coûts fixes réduisent considérablement les marges. Au final, le ciel gabonais devient un espace contraint, au lieu de jouer son rôle d’accélérateur de mobilité et d’ouverture.
L’appel pressant de l’AFRAA
Face à ce constat, l’AFRAA appelle à une révision profonde des politiques fiscales aéronautiques. L’organisation recommande une réduction et une harmonisation des taxes pour stimuler la demande et soutenir le développement du transport aérien africain. Elle rappelle les principes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), qui exigent des prélèvements transparents, proportionnés aux services rendus et fixés en concertation avec les usagers. L’AFRAA met également en garde contre la gestion privée des aéroports, qui privilégie trop souvent la rentabilité immédiate au détriment de l’accessibilité.
Si ces taxes constituent une source importante de revenus pour l’État et les gestionnaires d’infrastructures, elles posent une question de fond : faut-il continuer à considérer le transport aérien comme une rente ou l’envisager comme un levier stratégique de développement ? En affichant les charges les plus lourdes du continent, le Gabon envoie un signal paradoxal : il cherche à tirer un bénéfice immédiat du trafic aérien, tout en fragilisant son attractivité et son rôle de plateforme régionale.
Le paradoxe est évident : un pays qui aspire à renforcer sa connectivité régionale et à développer son tourisme ne peut durablement rester en tête du palmarès des surtaxes aériennes. Car dans un monde où l’intégration passe aussi par le ciel, chaque dollar de trop prélevé sur un billet est un frein supplémentaire à la mobilité, à l’investissement et à l’ouverture du pays.