Politique

Gabon : la Cour constitutionnelle de transition peut-elle faire prêter serment à Oligui Nguema ?

Brice Clotaire Oligui Nguema a été désigné vainqueur de l’élection présidentielle du 12 avril 2025 à l’issue de la publication des résultats provisoires. Mais à l’approche de la prestation de serment, une interrogation technique, en apparence anodine, soulève un débat aux implications profondes : la Cour constitutionnelle de transition est-elle compétente pour recevoir le serment du président élu, alors qu’une nouvelle Constitution a été adoptée par référendum en novembre 2024 ?

L’adoption de la nouvelle Constitution, saluée comme une étape majeure vers le rétablissement de l’ordre républicain, aurait dû logiquement entraîner la mise en place d’institutions pérennes. Pourtant, la Cour constitutionnelle de transition reste en fonction. Cette institution, créée dans l’urgence à la suite du renversement du régime Bongo en août 2023, continue d’exercer ses prérogatives, y compris celles aussi cruciales que la proclamation des résultats définitifs et la réception du serment présidentiel. Ce décalage soulève une ambiguïté : peut-on prêter serment devant une juridiction transitoire, alors même que le pays est censé être entré dans une nouvelle ère constitutionnelle ?

Sur le papier, la Charte de transition n’a plus lieu d’être depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution. Mais dans les faits, certains mécanismes de cette période transitoire restent en place, faute d’avoir été remplacés à temps. C’est notamment le cas de la Cour constitutionnelle, qui n’a pas encore été réinstallée selon les nouvelles dispositions prévues par la Loi fondamentale de 2024.

Dès lors, même si la légalité de la Cour de transition peut être tolérée à titre transitoire, sa légitimité à sceller un moment aussi symbolique que l’entrée en fonction d’un président élu demeure discutable. Le paradoxe est là : on tourne la page constitutionnelle… sans avoir fini d’écrire les nouvelles institutions censées la faire vivre.

Un serment sous tension symbolique

Si le général Oligui prête serment devant cette Cour provisoire, cela reviendra à ancrer un acte fondateur dans un cadre institutionnel déjà dépassé. Sur le plan politique, cette image pourrait être interprétée comme le signe que la transition n’a pas totalement abouti, malgré le vote massif de la nouvelle Constitution. Sur le plan juridique, cela crée une zone grise. Le président aura-t-il été investi selon les nouvelles règles ou selon les reliquats du régime transitoire ? Le flou, en droit comme en politique, n’est jamais sans conséquence.

Une urgence de mise en conformité

Le fond du problème, c’est que l’État gabonais semble avoir mis la charrue avant les bœufs : organiser une élection présidentielle sans avoir mis en place l’ensemble des institutions prévues par la nouvelle Constitution, notamment la Cour constitutionnelle version 2024. Il aurait sans doute été plus prudent et plus rassurant pour l’opinion d’installer les nouveaux organes constitutionnels avant de convoquer les électeurs. Aujourd’hui, ce manque d’anticipation se paie par une situation juridiquement bancale et politiquement sensible.

In fine, la Cour constitutionnelle de transition est, par défaut, l’organe qui recevra la prestation de serment de Brice Clotaire Oligui Nguema. C’est une compétence de fait, rendue nécessaire par les délais et les lenteurs dans la mise en œuvre de la nouvelle Constitution. Mais ce bricolage institutionnel ne doit pas occulter l’exigence de clarté, de rigueur et de légitimité que réclament les Gabonais.La prestation de serment d’un président élu dans un cadre nouveau, devant une institution ancienne, sonne comme une dissonance. Elle symbolise la fin d’un cycle, certes. Mais elle souligne aussi combien le passage à la République nouvelle reste inachevé.

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