Crise au sein du PDG : Denis Sassou-Nguesso tente de réconcilier les camps rivaux pour préserver l’héritage des Bongo
La fracture qui déchire le Parti démocratique gabonais (PDG) depuis plusieurs mois a franchi les frontières gabonaises pour trouver un écho de l’autre côté du fleuve Congo. À Brazzaville, le président congolais Denis Sassou-Nguesso a personnellement réuni, le 27 juillet dernier, les deux principales factions qui s’opposent pour le contrôle de ce parti historique, avec pour ambition de renouer le fil d’un dialogue rompu et, surtout, de préserver un pan majeur de l’héritage politique des Bongo.
Créé en 1968 par Omar Bongo Ondimba, puis dirigé par son fils Ali Bongo jusqu’à sa chute lors du coup d’État d’août 2023, le PDG est aujourd’hui un parti orphelin d’un pouvoir qu’il a détenu pendant plus de cinq décennies, et miné par des luttes internes de succession. Dans une atmosphère politique gabonaise en recomposition, ce rendez-vous organisé dans la résidence privée du président congolais à Mpila revêt une importance capitale.
Deux camps, une même revendication de légitimité
D’un côté, le bloc institutionnel actuel du PDG, incarné par Angélique Ngoma, ancienne ministre sous Omar et Ali Bongo, devenue secrétaire générale du parti, et Blaise Louembé Kouya, porté à la tête du PDG lors du congrès extraordinaire de janvier 2025. Ce tandem entend incarner la continuité et la réorganisation du parti dans le nouveau contexte post-Bongo.
De l’autre, les figures du camp contestataire, fidèles à Ali Bongo : les anciens ministres Ali Akbar Onanga Y’Obegue et Francis Nkea Ndzigue. Exclu des sphères décisionnelles, ce duo rejette la légitimité du congrès de janvier, estimant qu’Ali Bongo reste le « distingué camarade président », seul habilité à convoquer les instances du parti. Pour eux, aucune transition interne ne peut se faire sans l’aval de celui qui a dirigé le PDG pendant plus de 14 ans.
Une médiation familiale et stratégique
Face à cette impasse, Denis Sassou-Nguesso s’est positionné comme médiateur, non sans intérêt personnel et symbolique. L’objectif affiché est clair : restaurer l’unité du PDG, tout en veillant à ce qu’il demeure dans le giron des Bongo. Une stratégie de ré-ancrage dynastique semble se dessiner autour d’Omar-Denis Junior Bongo (ODJB), fils d’Omar Bongo et petit-fils de Sassou-Nguesso, actuellement conseiller à la présidence congolaise.
Selon Africa Intelligence, Omar-Denis Junior Bongo a activement participé à la réunion de Mpila, où il était accompagné de son demi-frère Christian Bongo. Depuis plusieurs semaines, il mène une campagne discrète de rapprochement familial, dans ce qui s’apparente à une préparation de sa montée en puissance au sein du PDG. Une telle option aurait reçu l’assentiment d’Ali Bongo lui-même, aujourd’hui en exil à Londres, qui souhaite voir l’œuvre politique de son père perpétuée au sein de la famille.
Un enjeu plus large que partisan
Au-delà du simple conflit de leadership, cette médiation touche à des enjeux profonds : la survie d’un parti-État devenu fragile, la recomposition du paysage politique gabonais après le départ d’Ali Bongo, et la volonté de Brazzaville de rester un acteur central dans la diplomatie régionale. Pour Denis Sassou-Nguesso, soutenir le retour des Bongo dans le jeu politique via le PDG, c’est aussi ancrer son propre héritage au sein d’un axe familial transfrontalier.
Mais rien n’est encore joué. La fracture au sein du PDG reste vive, et la légitimité d’une éventuelle reprise en main par Omar-Denis Junior Bongo ne fait pas l’unanimité. L’issue de cette médiation dépendra de la capacité des deux camps à faire des concessions, mais aussi du poids réel que conserve Ali Bongo depuis l’étranger.
En s’impliquant personnellement, Denis Sassou-Nguesso mise sur une résolution politique autant que symbolique : celle de maintenir vivante une dynastie politique, quitte à en confier les clés à une nouvelle génération.