Gabon : drapeaux en berne pour le Pape, silence pour Boupendza, où est la justice ?

Le Gabon a décidé de mettre ses drapeaux en berne du vendredi 25 avril à 18h jusqu’au dimanche 27 avril à la même heure, en hommage au Pape François, décédé le 21 avril 2025, jour de Pâques. Un geste fort, à la hauteur du poids symbolique de ce chef religieux, mais qui soulève une question douloureuse : pourquoi un tel honneur n’a-t-il pas été réservé à Aaron Boupendza, footballeur international gabonais décédé tragiquement, qui lui aussi portait les espoirs et les couleurs du pays au plus haut niveau ?
Difficile de ne pas relever ce deux poids, deux mesures. Certes, le Pape François, né Jorge Mario Bergoglio, aura marqué l’histoire de l’Église catholique par sa vision progressiste, son ouverture au dialogue interreligieux, son combat contre les abus et son engagement pour les plus vulnérables. Sa mort à 88 ans a ému bien au-delà des cercles religieux. Elle a logiquement déclenché une pluie d’hommages officiels dans le monde entier, dont celui du Gabon.
Mais quid d’Aaron Boupendza ? Disparu jeune, dans des conditions tragiques, l’attaquant gabonais représentait bien plus qu’un simple joueur de football. Il incarnait une jeunesse ambitieuse, issue d’un pays aux infrastructures sportives limitées mais capable de briller à l’international. Il faisait rayonner le vert-jaune-bleu sur des pelouses où peu de Gabonais ont osé s’aventurer. Pourtant, à sa mort, aucune mesure nationale de recueillement, aucun drapeau en berne, aucun discours fort de nos autorités.
Pourquoi cette différence de traitement ? Le Pape François, malgré son immense stature, n’était pas Gabonais. Il n’a jamais vécu ici, n’a pas foulé le sol d’Oyem ou de Libreville, ni chanté l’hymne national main sur le cœur. Aaron Boupendza, lui, est un fils du pays. Il est mort en héros silencieux, sans jusque-là le moindre hommage national à la hauteur de son parcours.
Ce déséquilibre dans les hommages interroge sur notre rapport à nos propres icônes. Sommes-nous plus prompts à pleurer les figures internationales qu’à célébrer nos héros locaux ? Le patriotisme ne devrait-il pas commencer par la reconnaissance de celles et ceux qui ont hissé haut notre drapeau, même sans soutane ni titre pontifical ?
En décidant de mettre les drapeaux en berne pour le Pape, le Gabon témoigne de sa solidarité envers la communauté catholique mondiale. C’est noble. Mais en oubliant Boupendza, le même Gabon semble envoyer un message trouble : celui que la reconnaissance nationale ne s’acquiert qu’en dehors de nos frontières, ou dans la sphère religieuse. Une leçon amère pour ceux qui, sur les terrains de sport ou dans les rues, tentent chaque jour de faire briller leur pays.
Il serait temps que la République se montre équitable dans ses hommages. Car un pays qui ne pleure pas ses enfants avec dignité, ne mérite pas toujours les leurs.