
Le message se veut fort, la rupture symbolique. Le lancement en grande pompe des travaux de la Commission Nationale de la Décentralisation mardi 17 juin, le gouvernement affiche son ambition, celle de réussir là où tous ses prédécesseurs ont échoué depuis près de trente ans. Le Chef de l’État, Brice Clotaire Oligui Nguema, a martelé sa volonté de faire du transfert de compétences une « réalité ». Mais derrière l’effet d’annonce d’un « pas de géant », se dresse le mur des réalités, un ensemble d’obstacles structurels qui ont fait de cette réforme une chimère.
Le communiqué officiel publié par le ministère de l’intérieur reconnaît lui-même à demi-mot. Le cœur des débats s’est immédiatement cristallisé sur « la question essentielle et transversale du transfert des ressources humaines ».
C’est ici que se niche le premier et le plus grand défi. Une décentralisation réussie n’est pas qu’une affaire de lois et de décrets ; elle est avant tout une question de moyens.
Transférer des compétences – qu’il s’agisse de la gestion des écoles, de la santé de proximité ou de la voirie – sans y allouer les budgets et le personnel qualifié correspondants, revient à transférer des charges et non des pouvoirs.

Les questions sont aussi nombreuses que concrètes. Les agents de l’État accepteront-ils d’être redéployés et de passer sous la tutelle d’une administration locale aux moyens souvent précaires ?
Les collectivités locales, dont beaucoup peinent déjà à boucler leur budget, auront-elles la capacité financière d’assumer ces nouvelles paies et ces nouvelles missions ?
La création annoncée d’un « Fonds de Péréquation des Collectivités Locales » est une réponse nécessaire, mais encore insuffisante.
D’où proviendra son financement ? Comment garantir une répartition équitable qui ne renforce pas les inégalités entre les communes riches de la capitale et les municipalités rurales démunies ?

Sans réponses claires et chiffrées, ce fonds risque de n’être qu’un outil de plus dans un arsenal législatif sans impact réel.
Si l’initiative actuelle a le mérite de mettre le sujet au sommet de l’agenda politique, son succès se mesurera non pas à la qualité des discours, mais à sa mise en œuvre concrète. Le communiqué évoque le transfert de compétences dans « douze départements ministériels », sans toutefois préciser lesquelles.
La nature exacte de ces compétences sera déterminante pour évaluer la portée réelle de la réforme.
Le lancement de la CND est un premier pas indispensable, mais il n’est que le début d’un marathon semé d’obstacles. La véritable réussite de cette décentralisation ne se lira pas dans les comptes-rendus officiels.

Elle se constatera le jour où un citoyen de Mayumba ou de Bitam verra un problème concret de son quotidien (une route dégradée, une école sans maître) résolu rapidement par sa mairie, parce que celle-ci aura enfin les pouvoirs et les moyens d’agir.